Pas terrible le rendu de ma prise de vue
Nous sommes souvent déçus en constatant que le rendu de la photo ne correspond pas à notre souvenir du moment de la prise de vue. Cela arrive généralement dans des conditions de lumière extrême : forts contrastes ou très basse lumière. Pourquoi et comment tenter d’y remédier.
Pourquoi : la dynamique du capteur
Pour faire simple le capteur de l’appareil n’a rien à voir avec notre œil, il ne fonctionne pas du tout de la même manière. Il est meilleur dans certains domaines et moins bon dans d’autres. Le binôme œil/cerveau va chercher et capturer des informations éparses pour reconstituer une image en adéquation avec votre corpus de connaissances visuelles. Le capteur, lui, va compter des photons.
Que se passe-t-il en cas de fort contraste ? Votre œil/cerveau va s’adapter instantanément à chaque quantité de lumière Il ne capte pas vraiment la totalité de l’image d’un coup mais la reconstitue à partir de multiples prises d’informations et la pupille s’adapte presque à chaque fois. Seules les lumières et les contrastes extrêmes nous éblouissent. Le capteur, lui va obéir aux réglages que vous lui avez imposés (ouverture/vitesse/sensibilité) pour toute sa surface. Si vous avez réglé pour la luminosité moyenne il va capter trop ou pas assez de photons aux extrêmes. Les hautes lumières seront écrêtées (toutes blanches sans détails) les basses lumières bouchées (toutes noires sans détails).
La plage dynamique (les quantités de lumières perceptibles) d’un œil humain sain est beaucoup plus importante que celle d’un capteur. Elle est d’environ 14 IL pour le capteur (ça évolue avec les progrès techniques) et de 21 IL pour l’œil (ça évolue avec … l’âge). Sachant que 1 IL (indice de lumination) correspond au doublement de la quantité de lumière la différence est énorme (26).
Que se passe-t-il en cas de basse lumière ? En deçà d’un certain seuil l’œil humain ne voit plus qu’une image peu résolue, puis plus rien, il est mal « équipé » pour la vision nocturne. Le capteur lui a plus de chance. Il dispose des possibilités offertes par les réglages. En fonction de ceux-ci le signal reçu va être amplifié de manière importante, il verra la nuit ! MAIS avec deux inconvénients. Le premier lié au temps de pose : plus celui-ci est long, plus le capteur va chauffer ce qui va générer des artefacts (le bruit numérique). De même, si vous augmentez la sensibilité le signal reçu par le capteur sera amplifié numériquement mais les défauts aussi seront amplifié … bruit numérique.
En fait on devrait parler de bruits numériques au pluriel. Il y en a de deux sortes. Celui de luminance (grains sombres) pourrait se rapprocher vaguement du grain des pellicules argentiques mais avec moins de charme parce-que très régulier. Celui de chrominance (grains colorés) est propre au numérique. Il est beaucoup plus inesthétique que le premier.
Que faire ?
En cas de fort contraste
- Testez votre capteur (captures format raw). Tous les capteurs ne répondent pas de la même manière aux lumières extrêmes. Certains gardent beaucoup d’informations dans les basses lumières, d’autres dans les hautes lumières. En fonction des informations que vous allez recueillir vous saurez si vous devez privilégier les hautes ou les basses lumières. Vous pourrez alors utiliser le correcteur d’exposition. Beaucoup de pros conseillent de surexposer légèrement, mais mon expérience personnelle me rend dubitatif : des blancs brûlés gâchent davantage l’image que des noirs bouchés.
- Choisir la plage que vous souhaitez exposer correctement. Le plus souvent on essaie de ne pas « cramer » les hautes lumières parce que c’est considéré comme le plus inesthétique.
- Utiliser un filtre gris neutre progressif. Ce n’est possible que si les zones de contrastes sont bien séparées (ciel/paysage par exemple).
- Le HDR ou bracketing d’exposition : On prend 3 ou 5 images avec un décalage d’exposition, puis on les empile dans un logiciel qui va choisir pour vous dans chaque cliché « la bonne exposition ». Certains appareils et logiciels proposent cette fonction en automatique, même à partir d’un seul cliché. Mieux vaut être sur trépied. Méfiez-vous de l’effet « carnaval » irréaliste.
- Revenir à un autre moment.
En cas de basses lumières
- Tester votre appareil dans les hauts isos pour savoir jusqu’où vous pouvez aller en gardant une image propre. C’est bien sûr un compromis : jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour avoir une image si le sujet est en mouvement ? Même si les appareils modernes sont de plus en plus performants dans ce domaine, ne rêvez pas, le million d’isos c’est du marketing.
- Expérimenter pour savoir jusqu’où aller dans les temps de pose (scène immobile). Souvent les capteurs modernes supportent mieux les temps de pose assez longs (au-delà de la minute) que l’augmentation des isos.
- Jouer sur l’ouverture en perdant éventuellement du piqué et de la profondeur de champ.
- Surexposer légèrement l’image. Le bruit se voit surtout dans les zones sombres, de plus si vous diminuez l’exposition au développement vous diminuerez le bruit. Et vice versa.
- Caler l’appareil contre un appui pour éviter de le bouger et pouvoir augmenter le temps de pose (si le sujet est fixe).
- Exploiter le flou ou le bruit numérique. L’image iconique du débarquement de Normandie par Robert Capa est floue, ça n’empêche pas sa puissance, au contraire. Le bruit numérique surtout de chrominance (coloré) est peu esthétique, mais en noir et blanc l’image sera exploitable.
- Avoir un trépied.
- Dans tous les cas on pourra aussi
- Améliorer l’image avec un logiciel :
- Pour les forts contrastes avec des calques et des masques de réglages ou autres techniques basées sur le même principe : écrêter les extrêmes. Mais souvent au détriment de l’image : un pixel brûlé ou bouché ne pourra jamais être recréé.
- Pour le bruit ils sont de plus en plus efficaces. Mais ils lissent l’image et augmentent un peu les contrastes. Le résultat peut paraître artificiel.
Conclusion
La photo est très souvent affaire de compromis. La difficulté n’est pas la maîtrise des connaissances, c’est plutôt celle de l’appareil pour choisir et réagir très vite. Ce que je vois, ce que je veux faire, ce que je suis prêt à sacrifier, quels réglages en découlent. Le tout en une fraction de seconde. C’est … sportif ! Si, comme moi, vous aimez prendre votre temps, ça l’est encore plus.