Recadrer c’est tricher ?
Je connais de nombreux photographes amateurs qui se refusent à recadrer ou retoucher une photo. Quelques grands professionnels (Henri Cartier-Bresson en particulier) ont exprimé un avis similaire. D’autres grands n’hésitent pas à accorder une grande place à la post-production et au recadrage.
Le matériel
Les appareils photo modernes délivrent des clichés avec des définitions impressionnantes. Nous trouvons des capteurs de 60 millions de pixels de nos jours pour des appareils semi-professionnels. Le matériel pro, a d’ailleurs souvent un peu moins de pixels : il faut privilégier la solidité et la rapidité.
On estime souvent qu’une pellicule « classique » équivaudrait grosso modo à une dizaine de millions de pixels. Les spécialistes ne sont pas tous d’accord et varient leurs estimations entre 10 et 20 millions de pixels (un mauvais esprit dirait … varie avec l’amélioration des capteurs …) . De toute manière la comparaison est sujette à caution vu la différence de technologie.
En pratique
Que faire de tous ces pixels ? Pour les écrans ou le web vous devrez nécessairement baisser considérablement la définition : Autour de 600 000 pixels si vous ne voulez pas que votre site « rame ». Et si vous ne voulez pas trop faciliter la vie aux crétins qui piratent les images des autres en pensant que c’est un talent …

Si vous souhaitez faire un tirage papier propre (c’est la configuration la plus exigeante) en 30×45 cm une dizaine de millions de pixels c’est déjà très bien. A 18 millions de pixels vous êtes au top du top. Si vous souhaitez agrandir davantage ce sera très bien aussi compte tenu que la distance d’observation augmentera aussi et qu’en conséquence le pouvoir séparateur de l’œil va diminuer. Sauf si vous tombez sur un dangereux maniaque qui va se coller à votre cliché pour voir les pixels ! Il y en a !
Alors pourquoi recadrer ?
- Redresser un horizon mal fichu. Ça arrive souvent, surtout avec le live-view et quel dommage de jeter un cliché pour si peu.
- Enlever la poubelle qui déborde d’immondices là en bas à droite ou d’autres éléments perturbateurs dans l’espace négatif..
- Recadrer pour s’approcher de la règle des tiers (bon, là ça se discute un peu plus). En bref améliorer la composition.
- Faire la photo dont vous aviez envie, pas celle que vous avez été obligé de faire à cause des conditions de prise de vue .
- Changer de format : carré, 16/9 pour votre écran d’ordinateur, portrait pour votre smartphone, etc.
- Essayer d’autres possibilités de cadrages et d’expression que vous n’aviez pas envisagé sur le terrain.
- …
De plus, avec l’intelligence artificielle des logiciels performants peuvent agrandir l’image sans quasiment aucune perte de qualité. C’est assez impressionnant.
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Exemple
Ci-dessous 3 fois la même image. Le recadrage change complètement le sujet et le point de vue. La première, l’image originale, est une vue générale « touristique », pas très intéressante (le premier plan en particulier est catastrophique et la diagonale des arbres n’est pas mise en valeur). L’image intermédiaire est une tentative de remédier au problème en changeant de format … bof ! Pour la dernière le choix est radical : le recadrage change complètement le point de vue et met l’accent sur une forme particulière de tourisme. Au moins, dans ce dernier cas il y a un point de vue, une idée ! Même si l’image eut été bien meilleure en se rapprochant, avec un point de vue en légère contreplongée … Bref si j’avais été photographe plutôt que touriste !



Conclusion
Exploitez vos pixels, vous les avez payés assez chers ! Pour ceux que ça intéresse, essayez de trouver le polyptyque (4 images) « Canvas » de John Hilliard avec le cliché d’origine. C’est une extraordinaire preuve que l’image se manipule au recadrage (dans ce cas « aux recadrages« ).