Photographier étymologiquement c’est écrire avec la lumière … Et si on disait plutôt que c’est écrire avec les ombres ? Après tout, on écrit avec de l’encre sombre sur du papier clair !
Skiagraphie ? En grec « skia » c’est, je crois, le contraire de « photos ». Là je me la pète un peu mais en fait j’ai cherché sur internet.
Mais qu’est-ce qu’il dit ?
J’ai déjà écrit un article sur les ombres, ici c’est différent, j’évoque davantage la composition que la créativité. Elle est un élément de l’image, pas l’objet principal mais un « accessoire » indispensable.
Les ombres, pas les zones foncées ! Des parties de l’image peuvent être foncées et sans ombre. Bien que ce soit quelquefois ambigu (contrejour).
Bien sûr, ces zones agissent par contraste, pour les mettre en valeur il faut AUSSI de la lumière ! Les deux sont indissociables. Mais souvent on oublie, on néglige, on méprise les ombres !
Je n’évoque pas que l’ombre portée d’un objet, mais aussi les zones obscurcies par un contre-jour par exemple.
Bon, alors
Comme moi vous n’avez pas manqué de remarquer à quel point une image sans ombre est souvent plate. Pas forcément systématiquement cependant, il existe des cas où la construction graphique suffit à l’animer et à lui donner de l’intérêt (G. Braque par exemple, les collages de Matisses, S. Delaunay, Mondrian, …).
Cependant, dans de très nombreuses œuvres plastiques les ombres sont capitales et donnent toute sa valeur à l’image. Je pense bien sûr aux maîtres du clair-obscur ou au travail de nombreux grands photographes (architecture, portraits, paysages, …). Les statues par exemples sont plus vivantes et plus lisibles quand elles sont bien « éclairées » … c’est-à-dire qu’elles ont des zones d’ombres ! C’est pareil dans les spectacles vivants où les éclairagistes jouent un rôle fort dans la mise en scène.
En photographie on déconseille souvent de photographier avec le soleil au zénith ou par temps gris. Deux conseils utiles quoique excessifs : on peut valoriser l’aspect « écrasant » d’un soleil « de plomb ». Sebastião Salgado l’a souvent fait pour souligner le côté harassant de certains travaux humains. Ou l’atmosphère douce / amère d’une ambiance grise. A l’inverse, les archéologues prennent des clichés aériens en lumière rasante pour distinguer les vestiges des constructions.
Pour donner du volume à un cliché mieux vaut dégager des ombres qui souligneront les différents plans et en ajouteront des lignes graphiques à l’image.
Travailler ses ombres
Avec la lumière naturelle les possibilités dépendent de la saison, de la météo et de l’heure. Par contre, en studio on maîtrise davantage, on peut régler et orienter l’éclairage artificiel.
La « forme » de l’ombre.
Réfléchir, quand c’est possible, à son orientation dans l’image, à sa longueur. Cela permet d’apporter un plus à la construction du cliché. Choisir le point de vue où l’ombre est puissante.
Son intensité
Le dosage se règle en jouant sur les paramètres d’exposition à la prise de vue ou sur la retouche en post-production. Il doit être assez subtil pour permettre la lecture de l’image dans les zones sombres, sans l’affadir.
Les noirs bouchés
Ils sont importants, en petite quantité, pour donner du contraste à l’image.
La couleur
Contrairement à une idée reçue l’ombre a une couleur qui dépend de celle de la lumière et du contexte photographié. Généralement elle va tirer sur le bleu, quelquefois, sur l’orange voire le rouge, plus rarement sur le vert. Si vous créez artificiellement une ombre elle ne doit pas être noire et « uniforme ». Elle est plus dense et plus nette (les contours sont moins flous) près du sujet que loin de ce dernier. Créer des ombres réalistes en post-production est très ardu !
Post-production
Le célèbre paysagiste noir et blanc Ansel Adams (mouvement f/64) avait mis au point le « zone-system ». Il différenciait une dizaine de zones d’intensité lumineuse différentes du 0 (noir bouché) au 10 (blanc brulé). Cela lui permettait d’analyser, traiter et développer ses clichés. On parle du temps de l’argentique noir et blanc (exposer pour les basses lumières, développer pour les hautes) … De nos jours, il existe des plugins qui permettent ces sélections. Bon, c’est un peu désuet surtout en France où le procédé n’a jamais vraiment été adopté.
Les ombres sont un élément essentiel de la composition !





