Paradoxalement si photographier c’est écrire avec la lumière, les ombres ont une grande importance dans la construction des images.
Les illustrations ci-dessous sont inspirées du remarquable travail de Mario Cucchi.
Pourquoi
Le photographe, plus encore que le peintre, transforme une réalité à 3 dimensions en une image en 2 dimensions. Les ombres contribuent beaucoup à donner du relief et de la profondeur à nos images. Elles permettent, avec la profondeur de champ, de différencier les différents plans. C’est pour cette raison que l’on conseille souvent au débutant d’éviter de prendre des clichés quand le soleil est au zénith. A midi il y a peu d’ombres, la 3D est écrasée.
D’ailleurs, les archéologues qui prennent des vues aériennes cherchent toujours un soleil rasant pour pouvoir analyser les images et découvrir les traces de reliefs anciens.
En simplifiant à l’extrême l’image l’ombre peut être extrêmement graphique. Elle est caractérisée pas la perte de l’essentiel de la couleur et l’exagération, voire la déformation de la forme projetée. Il en résulte une épuration et quelquefois une transformation de la forme originelle propre à donner une dimension poétique (… si on a de la chance et du talent …).
Les conditions pour photographier des ombres
… Il faut de la lumière ! Oubliez les jours gris, les éclairages diffus qui projettent au mieux des ombres pâles, molles, tristouilles.
Cette lumière doit être plutôt dure et directionnelle. Un beau soleil, en studio un spot lumineux sans diffuseur et placé assez loin du sujet permettront de bien dessiner les ombres. Plus vous allez rapprocher la source lumineuse du l’objet à photographier plus la zone « molle » dans les contours sera large.
L’éclairage doit permettre de projeter une ombre, de dessiner des reliefs. Donc, éclairer avec un angle suffisant. En studio, la recherche de l’angle idéal en fonction du projet prend du temps. En extérieur c’est votre réveille-matin qui fera le travail !
Le « support » de l’ombre doit être assez clair pour que celle-ci se voit ! En général une ombre sur fond noir se voit assez peu. Cela dit ça peut donner lieu à une recherche graphique … ou pas … Dans la nature une ombre n’est pas noire mais sombre et dé-saturée, sa couleur dépend du contexte (mes images sont en noir et blanc)
Les difficultés, sources de créativité
La principale difficulté réside dans la qualité de l’ombre.
Une ombre n’est pas homogène si elle est très foncée au centre et au contact de l’objet, elle tend à devenir plus claire sur les bords, quand la distance entre l’objet et la source grandit.
Plus la source de lumière est lointaine meilleure sera l’ombre, mais en studio au détriment de sa quantité. Plus l’objet est « proche » de son ombre plus la zone intermédiaire, et donc les détails, seront précis.
On peut aussi réduire les dégradés sombres sur les bords en post production en supprimant les gris (outil courbe suivant schémas ci-dessous).
Une autre complication nait des déformations et masquages induits par le positionnement de la source lumineuse. L’ombre peut être parfaitement reconnaissable ou tout à fait mystérieuse …
Que photographier
Tout, à condition que ça projette une ombre susceptible d’être intéressante. Par expérience je dirai que plus c’est troué et torturé meilleure sera l’ombre. Mais l’aspect du fond joue aussi beaucoup. Difficile d’exploiter l’ombre d’une fleur dans un champ.
Se donner des contraintes
Par exemple, pour plusieurs des images qui illustrent cet article j’ai essayé de faire en sorte que l’objet soit présent mais qu’il ne puisse se reconnaître que par son ombre projetée. Pour d’autres, au contraire, j’ai essayé que l’ombre soit « étrange ».
Conclusion
Pour s’amuser et prendre du plaisir à photographier des ombres « en studio » il ne faut pas beaucoup de matériel. Une source de lumière directionnelle (une lampe torche « moderne » peut suffire) et des objets du quotidien. Le reste est affaire de tâtonnements, d’observation, de créativité. En ces temps de frimas c’est une activité photographique bien sympathique et … au chaud !
