En fait je ne sais pas vraiment ce qu’est un point de vue graphique. Je remarque pourtant que certaines images m’attirent et captent mon attention plus que d’autres. Pourquoi ?
Paradoxalement une image est souvent intéressante, me semble-t-il, lorsqu’elle présente un subtil paradoxe entre équilibre et déséquilibre. Elle déstabilise mais nous avons quand même des points d’accroche du regard.
Il peut s’agir du domaine de la compréhension globale, du contenu sémantique, émotionnel, de la constitution graphique, …
Certaines images sémantiquement ou visuellement illisibles au premier coup d’œil captent quand même le regard, d’autres, très lisibles et parfaitement piquées lassent rapidement, ou pas … Y a-t-il des « règles » ? … Non, juste des pistes !
Surprise ! Je ne vais pas vous parler de la « règle » des tiers. Et pour cause, au-delà de l’apprentissage de base elle n’a pas beaucoup d’intérêt.


Pour mémoire
- L’intérêt personnel a une forte influence : ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui, je le mentionne simplement en rappel.
- La référence plus ou moins volontaire à des images connues, à notre culture personnelle est aussi source d’attention. Pareil, pas le propos de cet article.
L’originalité du point de vue
Souvent nous avons tendance à « prendre » une photo, pas à la construire. Par manque de temps, d’opportunité ou d’imagination nous ne pensons pas à regarder, à chercher, à tourner autour du sujet, à nous baisser, chercher un point plus haut, observer l’espace négatif (autour du sujet).
Il m’arrive, pour essayer d’éduquer mon regard de faire l’exercice suivant (pas original d’ailleurs) : je choisis un sujet puis j’essaie de faire 10 ou 15 images de celui-ci, toutes différentes, en variant point de vue, éclairage, espace négatif, angle et profondeur de champ (général ou détail) … Après je cherche celle(s) qui pourrai(en)t combiner originalité et esthétique graphique. Si vous avez l’occasion, admirez « les escaliers » de Sam Szafran : de nombreuses peintures du même escalier.
L’attention et la réactivité pour capter « l’instant décisif » sont aussi des critères importants.
Appareil en main, dans l’idéal, nous devrions tenir compte de multiples facteurs :
- Les lignes : Elles sont le squelette de l’image, ce sont elles qui vont conduire le regard et donner la dynamique générale de l’image. Elles peuvent être réelles ou évoquées (regard), verticales, horizontales, obliques, ou courbes. A mon sens il est bon qu’elles existent et soient cohérentes
- L’organisation des masses, des formes, des luminosités : quand les masses s’équilibrent l’image semble plus harmonieuse. Il ne s’agit pas d’égalité de quantités de surfaces dans le cadre mais de rapport entre elles en fonction des plans, des nettetés et des positions.
- Les couleurs : certaines couleurs ont plus de « force » que d’autres. Si elles sont trop dominantes elles risquent d’écraser la composition. C’est ce qui rend si difficile les photos de coquelicots par exemple.
- La lumière : direction, dureté et température : je reviendrai plus en détail sur ce thème, il est très important.
- L’angle : Généralement on s’efforce de respecter verticale et horizontale, c’est classique. Pourtant, on peut aussi photographier « de travers » pour chercher un angle original ; une composition surprenante. Seul impératif, il est indispensable que l’intention soit claire.
- Le point net : En jouant sur la profondeur de champ, sur l’étendue et la position dans l’image de la zone de netteté on peut changer complètement l’esthétique d’un cliché. Ici encore il est indispensable que la volonté du réglage ne fasse pas de doute.
- La quantité : Il n’est pas toujours pertinent de photographier la totalité du sujet pour le rendre intéressant et éventuellement reconnaissable. Bien souvent un détail bien choisi donnera plus de force à l’image.
- …




Au développement
On peut difficilement changer de point de vue au développement. A part le recadrage, et éventuellement quelques déformations de perspective (redressement, effet « maquette », etc.) les possibilités sont très limités. D’où l’importance à accorder à cet aspect de la composition à la prise de vue.
Quelquefois une transformation (symétrie par exemple) met le sujet en valeur. J’ai trouvé que c’était le cas pour la photo d’introduction : l’œil du reflet capte davantage l’attention que l’œil réel, à mon avis.
On comprend mieux, quand on voit le nombre de contraintes à prendre en compte, que les grands photographes soient rares ! … Et que notre taux de réussites à nous amateurs soit plutôt très faible. Mais n’oubliez pas, quand même, que l’on ne voit d’eux que « leur meilleur » alors que nous on développe tout … Bon, ça ne rassure pas vraiment, mais ça console !

